1- Comment votre passion des fèves est-elle née ?
Ce fût la rencontre, dans les années 70, avec M. Emile Nicolas, historien publiant dans la revue « Le vieux papier » et passionné de ces petits objets d’art populaire, personnage qui mérite d’être nommé, car c’est le premier à avoir effectué des recherches sur l’origine de notre tradition.
C’était le temps des petites annonces dans les journaux, alors seul moyen de communication.
Deux petites annonces qui se croisent, lui et moi-même cherchions déjà la même chose : en savoir plus sur la provenance de ces sujets en porcelaine blanche, mais aussi sur de petits objets miniatures, trouvés en brocante, représentant un dirigeable, un biplan, une marionnette, un chat botté, une poignée de main, de minuscules jeux de cartes sur os et une multitude de petites poupées aux joues roses et chevelure noire…
Jusqu’alors, dans les galettes, nous n’avions trouvé que des sujets en porcelaine blanche tels que des porte-bonheurs, des sabots, des baigneurs… plus ou moins bien finis.
Il faut aussi rappeler que ces années 70 furent marquées par l’arrivée massive de fèves en plastique.
Nous avons alors échangé nos connaissances. Nos recherches à la fois bibliographiques et sur le terrain allaient nous en apprendre beaucoup sur ces petits objets d’art populaire, peints à la main pour les plus anciens.
La tradition était exclusivement française ! Et si avant la guerre de 14/18, ces sujets en porcelaine provenaient du marché de la bimbeloterie de colporteurs allemands, ce fut ensuite la décision d’un mouleur en porcelaine français, Martial DUCONGÉ, qui reprit le flambeau de cette fabrication à Limoges dès 1915. Un autre porcelainier s’est d’ailleurs joint à ces productions vers 1924.
Ces deux productions fournissaient à tous les boulangers et pâtissiers de France, ces fameuses fèves en porcelaine et ce jusqu’à ces années 70.
2 – Pourquoi collectionnez-vous les Fèves Colas Clamecy ?
Très impliquée dans cette recherche de la tradition, je suivais en même temps l’actualité dans ce domaine. La tradition revient tous les ans, et c’est un vrai plaisir pour les enfants et les grands, que l’on ne saurait y échapper !
Vers 1980, quelques artisans français se sont lancés dans une production tout à fait locale, en céramique, à la demande des boulangers, pour contrer ces fèves en plastique dont les boulangers ne voulaient plus. Elles fondaient parfois à la cuisson de la galette !
La faïencerie Colas faisait partie de ces artisans, je les ai connus dès leurs débuts et j’ai toujours suivi leur production. Ce sont les seuls qui ont su résister à l’opportunisme envahissant d’un fabricant qui s’est tourné vers les pays d’Asie pour produire des fèves très différentes car en 3D.
Certes, rien ne fut facile devant ce « bulldozer » emportant tous les marchés. Il y eut cette période de doute, de discussions partagées avec Alexandre Colas, reprendre ou non ce créneau, ne pas faillir, trouver des idées nouvelles tout en gardant la symbolique. Mais pari gagné !
Si je collectionne les fèves de Clamecy c’est parce que j’ai toujours eu de l’affection et défendu les artisans qui reprenaient une tradition essentiellement française.
Eux seuls ont su garder, à travers leurs dessins, cette poésie de la vraie tradition et du vrai porte-bonheur. Et les fèves présentées par Clamecy reprennent bien la symbolique de cette tradition,qui doit être avant tout un porte-bonheur, pour celui qui trouve la fève.
Même s’ils reprennent des thèmes comme les jouets, souvenirs d’enfance, leur coup de patte est empreint d’une générosité qui transparaît à travers leurs motifs.
Quelques autres artisans ont pu résister aussi, mais de façon très locale (Beauvais, Dijon, Domrémy-la-Pucelle, Le Havre, Longwy).
Ceci étant posé, chacun fait la collection qu’il souhaite et je ne critique pas les collectionneurs qui choisissent plutôt un thème à collectionner, même si ces fèves ne sont pas de la main d’un artisan. Il y a tant de fèves différentes, que chacun peut se faire plaisir.
3 – Quelle est la collection de Fèves Colas Clamecy dont vous êtes la plus fière ?
Sans aucun doute, la série « En cœur pour le Monde ». Alexandre Colas la présentait au Salon INTERSUC de 2005, et j’ai vraiment craqué pour cette initiative si réussie. Elle reste ma préférée.
Yukiko OMORI au Japon, avec qui j’étais en contact, me demandait alors, pour son exposition des Arts Français de la Table en 2006, à Tokyo, quelques fèves françaises. J’ai proposé à Alexandre cette opportunité de se faire connaître. Cette série « Cœur pour le Monde » et quelques autres fèves de Clamecy sont donc parties pour le Japon.
Pour revenir à ma collection, la majorité des fèves de Clamecy sont les fèves coulées et peintes à la main.
Mais j’ai aussi acheté, il y a peu, les cocottes en verre. Même si cette fabrication est à leur initiative, mais non réalisée en Bourgogne, on y retrouve la finesse, le trait toujours léger qu’ils veulent imprimer à leurs fèves. Avec un petit rayon de soleil dessus, ces cocottes ont l’air de bavarder entre elles !
Une mention spéciale à la crèche de Bethléem, n’est-ce pas le nom du faubourg où tout a débuté à Clamecy ?
4 – Les fèves Colas Clamecy ont-elles la cote ?
Il n’est pas possible de parler vraiment de cote pour ces fèves. Mais elles ont un attrait qui fait qu’elles sont très recherchées.
Alexandre Colas a fait connaître sa production française à de nombreux pâtissiers de renom qui lui ont fait confiance, et beaucoup lui sont fidèles.
Sur les sites spécialisés en vente aux enchères ces fèves, dites alors publicitaires, puisque réalisées pour le seul usage d’un boulanger ou pâtissier, peuvent parfois réaliser de belles enchères. De plus La Faïencerie Colas a aussi travaillé de concert avec des grands noms de la mode pour certains pâtissiers.
Le prix d’une fève est toujours basé sur l’offre et la demande. Mais les fèves de la faïencerie Colas garderont toujours un attrait pour les collectionneurs, car elles sont réalisées à la main, en France, c’est un retour aux sources de la tradition.
5 – Vous possédez aujourd’hui un nombre conséquent de fèves. Vous continuez encore votre collection ?
Je continue ma collection comme je l’ai toujours fait, c’est-à-dire plutôt par une approche sociologique, étude annuelle du marché, de ce que les boulangers et pâtissiers présentent.
Il fut un temps où chaque fournisseur de galette, avait à cœur de présenter en vitrine les sujets choisis pour ses galettes. C’était une forme de marketing, beaucoup d’enfants incitaient leurs parents à acheter plutôt telle ou telle série. Ces fèves venues d’ailleurs, il faut le reconnaître, sont souvent très bien réalisées.
Puis les enfants ont grandi, les parents sont revenus à ce qui fait l’attrait de la galette, le goût et la tradition, même si on voit encore des présentoirs, ils sont moins en vitrine.
Il m’arrive d’acheter sur Internet, quelques fèves que je ne possède pas, heureusement, sinon la collection deviendrait triste ! Elles complètent alors une série.
6 – Est-ce qu’il y a une collection de fèves qui vous manque et que vous souhaitez absolument trouver ?
Je fonctionne plutôt au coup de cœur, et même si certaines fèves me manquent, un jour viendra où j’aurai l’opportunité de les acquérir. C’est plutôt ma façon de voir et de réaliser ma collection.
7 – Quels conseils donneriez-vous à un débutant fabophile ?
Il faut avant tout se faire plaisir, c’est le seul conseil que je donnerais aux collectionneurs.
Qu’ils collectionnent un ou plusieurs thèmes, un ou plusieurs fabricants ou artisans, juste un pâtissier, avant tout qu’ils se fassent plaisir ! Si quelque chose leur manque, un jour ou l’autre la chance tournera. Découvrir la fève recherchée, c’est une partie du sel de la vie !
Un grand merci à Monique Joannès // Propos recueillis par Katia Massol